Un outil de communication pour sourd-muet au début du 18e siècle ?
Parmi les manuscrits des Fonds patrimoniaux de l’ULiège Library figure un carnet de dessins à la plume, certains rehaussés à l’aquarelle, réalisé par Leopold Ignace Piers (1663-1732). Y figurent des dizaines de portraits de notables, laïcs ou ecclésiastiques, blasons de villes, animaux, monnaies, aliments, objets du quotidien, etc. Tous les dessins sont accompagnés d’une légende en français. Les titres et fonctions des personnages représentés permettent de dater le manuscrit du premier quart du 18e siècle.
Que de nombreux notables soient portraiturés ainsi semble montrer que carnet était lié à un contexte social très précis. On sait que Piers était seigneur d’Hollingues, membre d’une famille patricienne de la région de Courtrai. On imagine donc que l’auteur, sans doute sourd-muet, se servait de ce carnet pour communiquer avec d’autres personnes de son rang. Mais vraisemblablement aussi avec des personnes analphabètes, ce qui était le cas de la plupart de ses contemporains, d’où l’importance des dessins.
L’épitaphe de Pier nous apprend qu’il était impliqué dans la catéchèse de personnes sourdes. On peut donc imaginer qu’il se servait peut-être aussi de son carnet comme support pédagogique.
Ce qui est particulièrement remarquable dans ce manuscrit, ce qui le rend exceptionnel, c’est la présence d’un alphabet gestuel et celle de signes désignant de liens de parenté que l’auteur représente en utilisant le membre de la famille concerné en train de montrer le geste qui le désigne.
Les témoignages de langages gestuels sont rarissimes à cette époque. Il faudra attendre les années 1740 pour que Rodrigues Pereire crée une méthode d’éducation pour les sourds qui lui sont confiés. Quant à l’abbé de l’Épée, c’est dans les années 1760 qu’il transformera sa maison en école spécialisée et mettra au point un alphabet à deux mains.
ULiège Library, Ms. 2284
Feuilleter le manuscrit
