Qu’arrivait-il au 19e siècle à un ouvrier sans son livret ?


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Le livret d’ouvrier présenté par la Maison de la Métallurgie appartenait à Bertrand Nicolas Joseph, qui l’avait obtenu à l’administration communale de Seraing le 24 juin 1840. Bertrand  avait alors 12 ans et il allait travailler à la Fabrique de Fer des établissements John Cockerill. 

Créé et rendu obligatoire par une loi du 22 Germinal XII (12 avril 1803), le livret d’ouvrier est un petit cahier personnel et officiel dans lequel chaque employeur successif doit inscrire la date d’entrée de l’ouvrier à son service et la date de sortie, qui atteste qu’il est bien libre d’obligation au moment où il accède à un autre emploi. Sans cela, le nouvel employeur ne peut pas l'engager.

Jusqu’en 1840, l’employeur pouvait même y ajouter des commentaires négatifs, qui allaient suivre l’ouvrier pendant toute sa carrière. Ce n’est heureusement pas le cas pour notre Bertrand. 

Son livret montre qu’il n’a pas eu moins de 20 employeurs différents entre 1840 et 1874, date de son dernier engagement. Il a travaillé dans divers charbonnages puis pour de nombreuses sociétés dont les Ateliers de Charles Marcellis, la Fabrique de Nickel du Val Benoit, la Fonderie Royale des Canons, les fours à zinc de la Vieille-Montagne à Saint-Léonard et la Société Anonyme des Ateliers de Construction de la Meuse.  

À l'époque, il n'était pas rare que le patron confisque les carnets de ses travailleurs, pour s’assurer qu'ils ne partiraient pas avant la fin de leur engagement. Ce n’est qu’en 1854 que l’ouvrier a eu le droit de le conserver lui-même. 

Si ce livret d’ouvrier était avant tout un instrument de contrôle patronal, il jouait aussi le rôle de document officiel d’identification et de contrôle policier. S'il était pris sans son livret, l'ouvrier était considéré comme vagabond et pouvait être arrêté !

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Couverture et pages d'entrée du livret de Bertrand Nicolas © MMIL

L'obligation de posséder ce livret d'ouvrier a été supprimée par la loi du 10 juillet 1883. À partir de là, le livret n'a plus servi que pour établir les droits à une pension de retraite, puis il a définitivement disparu en 1890.

Quant au travail des enfants, ce n'est qu'en 1889 qu'il a été interdit pour les moins de 12 ans. Pour les jeunes travailleurs de 12 à 16 ans, la loi a alors limité le travail à 12 heures par jour et interdit le travail de nuit. Pour les femmes, le travail souterrain a également été interdit,  de même que le travail de nuit avant l'âge de 21 ans. 

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2 pages intérieures du livret d'ouvrier de Bertrand Nicolas © MMIL

 

Les collections de la Maison de la Métallurgie et de l'Industrie de Liège (MMIL)

modifié le 18/01/2024

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