Est-ce à l'Université de Liège qu'on a inventé la vanille ?


frédérique dubois - première fleur vanille

Première fleur de vanille conservée par Charles Morren. Photo © Fr. Dubois


La vanille est une épice très recherchée et rare. Jusqu’au milieu du 19e siècle, le Mexique en détient le monopole car la fécondation de l’orchidée nécessite l’intervention d’abeilles d’une espèce particulière qui ne peuvent vivre que dans les forêts d’Amérique centrale. Ailleurs dans le monde, toutes les tentatives pour féconder les vanilliers – et elles sont nombreuses –  échouent systématiquement.  

À l’université de Liège, une serre chaude du jardin botanique possède depuis 1829 quelques vanilliers qui restent désespérement stériles, comme partout ailleurs. Quand Charles Morren est nommé professeur de botanique en 1935, il s’intéresse beaucoup aux plantes des anciennes serres, où il découvre les vanilliers. Intrigué par cette stérilité, il se procure de nombreux ouvrages sur le sujet, il observe minutieusement les plants et fait quelques expérimentations. Dès 1936, il arrive à inséminer les plants, manuellement, fleur par fleur, avec une technique qu’il a inventée. Et ça marche ! L'année suivante, il obtient 54 fruits, puis une centaine en 1838. Pour la toute première fois, des vanilliers produisent des fruits en dehors du Mexique et c'est à Liège que ça se passe !  

Charles Morren écrit alors : 

«C’est une tendre fleur qui n’accomplit l’oeuvre de l’hymen qu’à son corps défendant, et qui demande le secours de l’homme si celui des insectes ou des oiseaux-mouches qui, sans doute dans le pays natal de la plante remplissent ce rôle de messagers d’amour, lui est refusé ! En effet, aucun fruit n’a été produit que sur les cinquante-quatre fleurs auxquelles j’avais artificiellement communiqué le pollen. On enlève le tablier ou on le soulève, et on met en contact avec le stigmate une masse pollinique entière, ou seulement une partie de cette masse, car une seule de celles-ci, coupée en huit ou dix pièces, peut féconder autant de fleurs… Il faut un an à la Vanille pour mûrir. Le 16 février 1836, la première fleur s’ouvrit; le 16 février 1837, le premier fruit tomba.» 

Sa découverte fait grand bruit. De partout, on vient à Liège pour apprendre la technique de Morren. C’est ainsi que l’industrie horticole a pu développer la production de vanille... et en tirer de gros profits. Morren, lui, n’en a pas profité, préférant son statut de professeur à celui d'industriel.

Soyons justes, si Morren n’avait pas réussi cette année-là, nous aurions tout de même de la vanille en Europe, car en 1841, un jeune esclave de la Réunion, Edmond Albius, a aussi découvert le procédé de pollinisation. Ses maîtres ont immédiatement compris l’intérêt qu’ils pouvaient en tirer, ce qui a très vite fait de la Réunion le premier producteur mondial de vanille. Albius, lui, étant esclave, n’a jamais vu la couleur de l’argent. 

Par la suite, la technique a été largement diffusée, ce qui a fait considérablement baisser le prix des gousses, même si la vanille reste aujourd’hui encore une des épices les plus chères au monde. 

L’herbarium de l’Université de Liège conserve les traces de cette formidable découverte de Charles Morren. 

Les collections de l'herbarium

 

Morren

martine lambricht vanille

Vanille dans son état naturel. Photo© Martine Lambricht

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